Dernier weekend au Japon : le village thermal de Kinosaki Onsen
Je suis partie du Japon dimanche, mais comme Laurent n'a pas eu cours vendredi, nous avons quand même pu nous faire un dernier petit weekend en zamoureux, et pas des moindres ! J'ai dépensé tous les sous qu'il me restait :D
Mon choix s'est arrêté sur la bourgade (je dirais même village) de Kinosaki Onsen, située à presque 3h au Nord de Kyôto, à quelques kilomètres à peine de la mer. Nous y avons donc réservé une chambre avec petit déj dans un ryokan (auberge traditionnelle) pour le vendredi soir.
Vendredi midi, après avoir cru mourir desséchés en rejoignant la gare à pied par une chaleur tout simplement intenable, nous avons pris un train "express" délicieusement climatisé et allant directement à la station thermale. Comme beaucoup de trains japonais, il passait dans les endroits les plus reculés et apparemment les plus inaccessibles possibles ; après une série de tunnels, nous avons pu apercevoir de superbes gorges et autres ravins de verdure. Certaines parties du trajet nous laissaient voir ce genre de paysages montagneux et escarpés, et d'autres des vallons habités et parsemés de petites rizières. C'est une chose qui m'a frappée dans tous les paysages que j'ai pu voir dans le Kansai : les champs sont rares et surtout étonnamment petits ! On voit que la terre cultivable manque. Mais le plus frappant, c'est lorsqu'on se promène à Kyôto et qu'à un coin de rue on découvre un de ces petits champs coincé entre deux immeubles... Aucun espace ne semble perdu !
"JR" (Japan Rail) est le logo de la principale compagnie de trains japonaise. Au Japon, c'est assez différent de la France car beaucoup de lignes sont privées, et c'est un sacré bazar quand on fait une recherche d'itinéraire car, à ma connaissance, il n'existe pas de moteur de recherche central récapitulant toutes les lignes existantes... Un vrai casse-tête.
La preuve en image que les Japonais font du vélo avec leur parapluie quand il pleut et, encore plus dingue, avec une ombrelle quand il fait beau... Conformément aux canons de beauté asiatiques, les Japonaises font tout pour garder une peau blanche et vont donc jusqu'à porter des mitaines recouvrant tout le bras et des leggings noirs par 35°C. De grandes malades, si vous voulez mon avis, surtout que moi j'arrivais à peine à supporter un débardeur et un mini-short...
En arrivant à la gare de Kinosaki, un petit bus gratuit nous a déposés devant la porte de notre ryokan, où nous avons été accueillis comme des pachas... (alors que c'était le ryokan le moins cher de la ville ! ça ne coûtait rien pour ce que c'était.) Les Japonais ont vraiment le sens du commerce et de l'accueil ! Le ryokan était installé dans une maison ancienne à l'intérieur tout en bois et était idéalement situé, en plein milieu du village.
Après avoir dûment retiré nos chaussures à l'entrée et enfilé les chaussons de l'auberge, nous avons été conduits dans une chambre immense décorée dans le plus pur style japonais, avec tatamis et panneaux coulissants. Un grand balcon donnait sur la rue où résonnaient les claquements des geitas (tongs en bois portées avec les kimonos) ; nous avons été bluffés par la taille de la pièce. Tout ça rien que pour nous ???
Après nous avoir fait visiter et nous avoir donné à chacun des yukatas aux motifs simples, des vestes traditionnelles et tous les accessoires nécessaires au rituel des bains publics, on nous a servi du thé vert (ocha) ainsi que de petits okashi (pâtisseries) à l'anko (pâte de haricots sucrée, que j'adore). On nous a également remis un passe pour accéder gratuitement aux sept bains publics du village, les "onsens" construits autour des fabuleuses sources chaudes qui jaillissent dans le coin. Kinosaki est une station thermale particulièrement ancienne et réputée pour son ambiance "spécial onsen". En effet, les visiteurs font la tournée des sept onsens en se promenant en yukata et geitas dans les rues du village, ce qui plante un décors délicieusement traditionnel !
Après ces premiers émerveillements, une excellente surprise de plus m'attendait : au dernier étage de la maison se trouvait une véritable caverne d'Ali Baba... Un incroyable choix de yukatas fleuris et colorés y était mis à disposition des clientes, ainsi que de jolis paniers pour transporter les affaires de bain, des obis (ceintures pour yukata) colorés, un choix de geitas fleuries, des broches et barrettes à fleurs, éventails ornés et autres foulards...!!!! Tout le nécessaire pour se parer telle une vraie Japonaise et aller pavaner dans les rues du village avec les autres coquettes (et coquets !). Vous imaginez ma réaction... Joyeux Noël Marion, et puis bon anniversaire, joyeuses Pâques et happy Hanouka !!!
Heureusement que la vieille dame de l'auberge (elle avait l'air d'être la mère du patron) m'a aidée à mettre le yukata, parce que toute seule je n'y serais JAMAIS arrivée. Les vrais yukatas comme ceux-ci traînent largement par-terre et il faut faire des pliages savants tenus par des rubans et recouverts du obi pour ajuster la longueur. Après ça fait plein de petites poches partout, pour glisser son éventail ou son peigne...
Mais avant d'aller parader dans les rues avec nos plus beaux atours, nous sommes allés tester le onsen privé de l'auberge. Il s'agissait d'un tout petit bain aménagé en forme de grotte ; ça faisait plein d'écho, c'était très rigolo, et comme on était seuls on n'a pas arrêté de chanter...
Le coin pour se laver : on s'asseoit à son petit poste en face d'un miroir, sur un petit tabouret bas. On s'asperge soit avec le tuyau de douche, soit en remplissant un petit baquet (la méthode traditionnelle) et on se savonne et se frotte de la tête aux pieds avec une petite serviette spéciale toute en longueur. C'est un passage obligé avant le bain dans l'eau thermale : d'abord on se lave, et ensuite on va dans l'eau chaude pour se détendre... En l'occurence, l'eau de la source était très très très chaude, à tel point qu'il était difficile d'y entrer ! J'étais rouge écrevisse en sortant :D
Après ces premières ablutions, nous sommes allés commencer notre tournée des onsens à proprement parler !
Parmi les sept bains publics, deux sont très gros et offrent une large gamme de bains différents, ainsi que des décors spectaculaires... Le premier que nous avons testé est tellement varié que les deux parties réservées respectivement aux hommes et aux femmes sont complètement différentes et alternent un jour sur deux, alors que d'habitude les deux moitiés sont à peu près identiques et restent fixes. J'ai donc eu le plaisir de découvrir le côté carrelé, dans un style entre thermes grecques et hammam. Au rez-de-chaussée, il y avait un grand coin pour se laver, avec pleins de petits postes face aux miroirs. Il y avait également un grand bassin d'eau chaude (peu profond, comme toujours dans les onsens : juste assez pour s'asseoir et avoir de l'eau jusqu'aux épaules), un plus petit avec des jets massants (excellent pour le dos !!) et un jacuzzi tout rond. Enfin, il y avait un hammam "brume" agréablement parfumé aux huiles essentielles et en effet particulièrement... brumeux. A l'étage, sur le toit, se trouvaient un hammam classique, un sauna sec très chaud et un joli bassin d'eau chaude en extérieur, avec des cascades et une vue fabuleuse sur les montagnes brumeuses... Je suis restée quasiment tout le temps dans ce bassin-là. En plus j'étais toute seule, c'était le nirvana !! Et dans tous ces bassins, c'était de l'eau de source naturellement chaude et légèrement salée, avec pleins de propriétés guérissantes...
L'autre côté, que j'ai découvert le lendemain, avait un aspect beaucoup plus brut, plus masculin peut-être : les bassins étaient faits de gros rochers gris, et il y avait en plus un petit bassin d'eau très froide à la sortie du hammam, et une salle de rafraîchissement à 0°C !!! Le plus incroyable, c'est que j'y suis allée après avoir passé moins de cinq minutes dans le sauna, et j'étais bien, je n'avais pas froid, j'appréciais juste l'air frais. Si je n'avais pas vu le thermomètre de mes propres yeux je n'aurais jamais cru que la température était aussi basse !
En sortant du premier bain pour continuer la tournée, j'ai vaillamment cru être capable de remettre mon yukata toute seule. Lélélélélé... Heureusement, une gentille dame est venue spontanément à mon secours et m'a fermement ficelée dans mon yukata en gestes efficaces (après j'avais un peu du mal à respirer xD). Les autres dames dans le vestiaire rigolaient et disaient des trucs du style "déjà que nous on a du mal..."
Nous sommes restés assez longtemps sur place et sommes donc retournés à l'hôtel pour manger notre pic-nic de sobas (nouilles de sarrasin), onigiris (boulettes de riz fourrées au poisson ou légumes marinés) et mochis (gâteaux de pâte de riz gluante fourrés à la pâte de haricots rouges). On avait déjà déplacé les tables et installé nos futons au milieu de la pièce...
Nous nous sommes ensuite rendus au deuxième grand onsen, qui s'appelait le Gosho, car sa superbe architecture était une imitation en miniature du palais impérial du Gosho à Kyôto. L'entrée était effectivement magnifique :
J'ai adoré l'intérieur de ce onsen. Le bâtiment, tout en bois, était impressionnant car le plafond était extrêmement haut, et on pouvait voir toute l'impressionnante charpente en levant les yeux. La poutre centrale était gigantesque...
Les bassins étaient en pierre. Outre les habituels bassins d'eau chaude avec jacuzzi etc, il y avait un long banc en marbre tout lisse sur lequel ruisselait de l'eau chaude depuis le haut du dossier. J'ai vraiment aimé cette sensation de contraste entre l'air frais et l'eau très chaude dans le dos...
A l'extérieur, le joli bassin d'eau bien chaude était entouré de gros rochers où on pouvait se délasser et admirer la forêt environnante. Un torrent formant une cascade dévalait la pente toute proche et semblait, par un jeu de trompe-l’œil, se déverser dans le bassin même. C'était idyllique... Surtout qu'à ce moment-là il faisait déjà nuit et que l'éclairage venant de l'intérieur projetait une lumière douce et un peu fantastique sur les fougères et les bambous.
Après cette dernière visite, nous nous sommes écroulés sur nos futons. Les onsens, c'est délicieusement épuisant...
Le lendemain matin, nous nous sommes levés tôt car on nous a servi le petit déjeuner dans la chambre à 8h pétantes. C'était très copieux, un véritable banquet :
Dans la petite cocotte au-dessus du réchaud il y avait un bouillon avec un gros carré de tofu soyeux. C'est pas bien passé si tôt le matin... Tout comme les abas de poisson et certaines algues au goût fermenté. J'ai aussi eu du mal avec la bouillie de riz aux chataîgnes... En fait c'est vraiment dommage parce que je crois qu'à une heure si matinale mon estomac n'était pas prêt à affronter un tel repas. Je n'ai donc pas vraiment pu en profiter... :(
Pendant cette deuxième journée, nous avons encore visité un autre onsen beaucoup plus petit et très simple, avec juste des bassins d'eau chaude intérieurs et extérieurs, ainsi que l'autre moitié du très grand dont j'ai parlé plus haut. Nous nous sommes également beaucoup promené dans le village et ses environs.
Les cigognes sont un des emblèmes de Kinosaki car la légende raconte qu'elles vont se baigner dans les sources chaudes pour guerrir leurs blessures.
Une source chaude jaillit à cet endroit, à environ 70°C.
On pouvait faire cuire ses propres "oeufs onsen" dans l'eau de la source, des oeufs mollets qui ont une texture très crémeuse parce qu'ils ont cuit lentement.
Un jardin zen, dans la cour d'un temple bouddhiste.
Nous avons aussi visité un temple. Des escaliers en partaient à travers la forêt, permettant de gravir la montagne. Nous sommes montés à peu près à mi-chemin... Il s'était mis à pleuvoir et de minuscules grenouilles, grosses comme des pièces de 2 euros, sautaient à nos pieds en nous faisant piailler.
A midi, nous avons mangé un délicieux plateau-repas dans une petite gargote installée au-dessus d'une poissonnerie. Nous avions tous les deux choisi un chirashi, c'est-à-dire un assortiment de tranches de poisson cru sur un bol de riz vinaigré (le même que pour les sushis). J'avais 11 sortes différentes, dont de l'oursin, du crabe (la spécialité du coin), des œufs de saumon (mon régal) et un calamar incroyablement fondant. J'en avais déjà mangé des bons au Japon, mais ce calamar était hors compétition... On ne peut pas s'imaginer une texture pareille avant de l'avoir goûté. C'est tout sauf caoutchouteux... Et c'est un délice.
Après avoir pris notre dernier bain en quatrième vitesse, nous avons attrapé le train pour retourner à la fournaise kyôtoïte...
C'est ainsi que s'est terminée cette merveilleuse dernière excursion, et mon voyage avec puisque je suis allée prendre l'avion à Osaka le lendemain. C'est assez émouvant pour moi de publier maintenant ce dernier article, car avant de l'avoir fait c'était un peu comme ci le voyage n'était pas encore terminé, mais là c'est pour de bon...
Pour conclure, je dirais que, probablement parce que c'était la première fois que je quittais l'Europe, je n'aurais jamais imaginé être dépaysée à ce point. Je savais que ce serait différent, mais je n'ai pas réalisé à quel point avant de le constater de mes propres yeux. Et je dirais aussi que le Japon laisse un sacré petit goût de reviens-y... D'autant plus que je suis restée dans la région de Kyôto tout au long de ces trois semaines, et que je sais qu'il me reste beaucoup beaucoup de choses à découvrir ! Je ne sais pas si j'y retournerai un jour, mais en tous cas si je le fais ce sera encore avec un appétit de découverte.
Et pour finir, une petite photo de mon dernier resto au Japon, car la bouffe, c'est très important pour découvrir une culture !! xD
Merci de m'avoir lue et accompagnée dans ce beau voyage, et merci pour vos commentaires ! Je suis très contente d'avoir fait ce blog car, en essayant de vous relater mes petites aventures et de vous décrire mon environnement le plus fidèlement possible, j'ai été forcée d'être très attentive à tout ce qui m'entourait, et je crois que j'ai vécu ces trois semaines particulièrement intensément grâce à cela...
Gros bisous à tous :)