Et c'est qui les chouchoutes ?
Je vous écris un dernier article depuis le "hameau du Grand Matin", car demain matin nous décollons sur les coups de 7h du mat' pour une longue journée de voyage jusqu'au centre de l'île de Kyushu ! Nous allons en effet passer deux nuits dans une auberge de jeunesse à Aso, près du volcan et dans le parc national du même nom.
Aujourd'hui est donc notre dernier jour, et encore une fois, cela nous fait tout drôle de nous dire que nous allons partir ! En à peine deux semaines, nous nous sommes installées dans nos petites habitudes, et nous avons l'impression de faire partie de la famille de nos chères Yumiko et Mayumi...
Aujourd'hui, pile pour notre dernier jour, nous avons fini la barrière des chèvres, youpi !!! Elles sont ravies, on ne les entend plus tellement elles sont occupées à tout dévorer :) Mayumi aussi était toute excitée, elle a dit que nous avions réalisé un de ses grands rêves...
Avant de partir, je voudrais d'ailleurs vous raconter encore un peu combien elles nous ont bien accueillies. Je vous disais dans mon précédent article que, sous sa rudesse apparente, Yumiko était très attentionnée. Eh bien je voudrais en apporter encore la preuve ! En plus de nous préparer de bons petits plats et de veiller à ce que nous ne manquions de rien (je dors actuellement avec 4 couettes), Yumiko a pris du temps au cours de ces deux dernières semaines pour nous emmener faire de super sorties.
La 1ère d'entre elles était samedi dernier (le 22), aux alentours de 22h. Une heure bien tardive, surtout au Japon, et à laquelle nous sommes habituellement au fond de nos petits lits... Mais pourquoi quitter les couvertures bien chaudes de la table chauffante à pareille heure pour s'enfoncer dans la nuit épaisse et glacée, me demanderez-vous ? Eh bien, nous avons eu la grande chance d'arriver à Kitahiroshima en pleine saison du... kagura !
Les musiciens du kagura sont assis sur le côté de la scène : un gros tambour donne le rythme, suivi par un tambourin, des espèces de mini-cymbales et une flûte traversière.
Par où commencer pour décrire le spectacle ? Déjà, une chose est sûre : nous avons ADORE ce kagura. Nous étions épuisées par notre journée de travail à la ferme, nous avions sommeil et mal au dos à force d'être assises par terre (au bout d'un mois y'en a marre... --'), mais dès que le spectacle a commencé nous étions captivées, comme des gamines.
Tout kagura commence par une 1ère danse spéciale, qui constitue une cérémonie de purification. Toutes les danses suivantes sont comme de petites pièces de théâtre et racontent chacune une histoire. Elles culminent souvent dans une superbe bataille dansée !
Tout d'abord, les costumes étaient sublimes ; il paraît qu'ils pèsent une tonne, et que c'est en grande partie ce qui rend la danse kagura si épuisante ! Ensuite, le spectacle ne ressemblait à rien que nous connaissions : que ce soit les mouvements de danse, le style de musique ou la façon si particulière dont les danseurs déclamaient leur texte, tout était complétement nouveau. Nous en avons pris plein les mirettes et les oreilles. Malgré le poids des costumes, certains danseurs étaient extrêmement gracieux, et faisaient virevolter leurs accessoires avec une apparente légèreté.
Juste pour vous donner une idée de l'ambiance et du style de musique, voici une petite vidéo. Je suis vraiment désolée de la qualité déplorable, mais notre petit appareil photo ne peut pas faire mieux :
J'ai choisi cet extrait car nous avons particulièrement adoré ces deux monstres ; les danseurs étaient excellents, et nous n'arrêtions pas de pouffer de rire en les voyant secouer leurs perruques par de petits mouvements secs de la tête. Malheureusement, l'effet hautement comique des cheveux/barbes/sourcils géants ainsi secoués n'est pas très bien rendu par la vidéo. La musique de cette danse nous a aussi particulièrement plu, et le chanteur principal se donnait à fond ! A la fin, on entend également un petit bout de dialogue ; les voix n'étaient pas sans rappeler celles de certains dessins animés japonais...
Nous ne sommes restées que pour les 3 premières danses car nous étions vraiment très fatiguées, mais le spectacle continuait jusqu'à 3h du matin ! Quand nous sommes parties, saluant au passage la tante de Yumiko qui était venue s'installer derrière nous, plusieurs enfants dormaient déjà à poings fermés sur les tatamis... Mais les autres, comme nous, ne pouvaient s'empêcher de reproduire la gestuelle si marquante de la danse, secouant leur crinière de monstre ou tapant des pieds, les bras écartés. Quel super spectacle !! Et dire que ce sont des amateurs, je ne l'aurais jamais deviné...
Avant-hier, également un samedi, Yumiko et Mayumi nous ont proposé de nous rendre à un 2ème kagura, dans un autre hameau. Nous avons aussitôt accepté et avons eu le plaisir de voir une danse dans un lieu très différent et beaucoup plus pittoresque : un petit temple tout en bois au milieu des champs ! C'était un joli spectacle, mais nous ne sommes restées que pour une danse, car tout le monde avait sommeil...
Outre ces excellents kagura, Mayumi et Yumiko nous ont également concocté un super petit programme pour notre journée libre, mardi dernier. Elles nous ont déposées dans le hameau où nous avions vu le 1er kagura, et nous ont indiqué une ballade pour aller voir des arbres uniques au Japon. Pour une raison inconnue des scientifiques, tout un bosquet d'arbres a pris cette apparence tortueuse, devenue l'une des attractions du coin :
On soupçonne apparemment le magnétisme du lieu, qui pourrait expliquer cet étrange comportement des arbres. C'était bien joli à voir, et cela nous a fait une belle ballade en forêt pour rejoinde ensuite le hameau ! Nous parlions bien fort car, même en pleine journée, les ours ne sont jamais bien loin...
Après cette promenade sylvestre, nous avons rendu visite à un potier ami de Mayumi, notre demoiselle de tous les métiers ; il nous a montré sa production, et nous avons également admiré le superbe toit de tuiles en céramique vernissées de sa maison de style traditionnel. Le faîte était orné de sculptures, également en terre marron vernissée, représentant de magnifiques poissons qui m'ont rappelé les dauphins reptésentés dans les fontaines grenobloises. Nous avions vu exactement les mêmes sur le toit du château de Himeji !
Pour finir cette super journée, nous avons fini notre ballade en rejoignant le onsen installé dans l'ancienne école primaire. A part quelques mamies, le bain était à nous :)
Il y a quelques jours, Yumiko nous a encore gâtées. Elle nous a embarquées pour une pause de midi prolongée et nous a emmenées manger dans un petit restaurant d'okonomiyaki, ces fameuses galettes que nous avions mangées à Ôsaka avec mon amie Tomoko. Sauf qu'il existe deux grands types d'okonomiyaki : ceux à la mode d'Ôsaka, et ceux à la mode d'Hiroshima. Nous avons goûté cette 2ème catégorie pour la 1ère fois, et je peux affirmer sans hésitation que c'est ma préférée : un délice !!
La petite dame était seule à préparer les okonomiyaki sur une grande plaque chauffante ; elle était très gentille et semblait flattée de nous voir poser (dans notre japonais approximatif, et souvent avec l'aide de Yumiko) tant de questions sur la recette. Voici la liste de ce que contiennent ces excellentes galettes préparées avec art :
- Une sorte de crèpe, saupoudrée de poudre de bonite séchée
- Beaucoup de chou émincé, ainsi qu'une généreuse dose de pousses de soja bien craquantes
- Des nouilles (eh oui !! Et je vous assure, l'association est vraiment excellente) : nous avions le choix entre les épais udon, un peu gluants, et les fins soba
- De fines tranches de poitrine de porc
- Quelques flocons de pâte à tempura frite
- Au dernier moment, un oeuf mi-brouillé mi-au plat posé sur le dessus
- Pour finir, une généreuse dose de cette fameuse sauce marron sucrée-salée, ainsi que des algues en poudre, beaucoup de poivre et une poudre mystérieuse que j'ai découverte ce jour-là, le "aji no moto", ou "base du goût", qui donne une bonne petite saveur umami (umami, c'est l'indescriptible 5ème saveur japonaise, après le sucré, le salé, l'amer et l'acide... On la retrouve notamment dans le fameux bouillon dashi, qui est à la base d'une grande majorité des plats japonais)
Le pot de sauce okonomiyaki avec son gros pinceau pour l'étaler sur la crèpe
A la fin de cet excellent repas (nous avons toutes les deux adoré cet okonomyaki), Yumiko a voulu nous inviter, mais la dame n'a rien voulu entendre et a tenu à nous offrir le repas ! Trop gentille... Alors, pour prolonger ce petit moment privilégié, Yumiko nous a proposé de nous emmener manger des glaces. Nous avons roulé encore quelques km sur les petites routes de montagne, pour rejoindre une petite boutique/salon de thé spécialisée dans les produits à base de lait. Apparemment c'est un lait très spécial de vache heureuse vivant dans de riants pâturages... Et effectivement la glace avait un bon goût de lait fermier ! Merci Yumiko-san pour ce bon moment :)
Sur le chemin du retour, Yumiko nous a encore offert un de ces délicieux pancakes au anko (pâte de haricots rouges sucrée), servis tout chauds à un petit stand ambulant. Pourries gâtées les petites Françaises !!
Ah, oui, ça nous fait tout drôle de partir demain matin... Il est d'ailleurs temps que je vous laisse pour aller passer une dernière soirée avec les filles ! A bientôt pour des nouvelles de l'île de Kyushu :)